Un peu de poésie
La Neige
Un soir de grand hiver, la neige emplit la nuit,
Et sa sourde blancheur rend l'ombre plus étrange.
Il neige dans la cour, il neige sur la grange
Et sur l'étable, et dans la mare et sur le puits.
Tout ce que la maison peut découvrir du monde,
Les champs des siens et ceux des autres, les hameaux
Et les bourgs éloignés qu'on voit lorsqu'il fait beau,
Tout appartient ce soir à la neige profonde.
On dirait qu'elle tombe ainsi depuis des ans
Et qu'elle tombera durant toute la vie.
Il semble qu'à jamais la terre est endormie
Et qu'on ne reverra jamais plus le printemps.
Mais pendant que la neige innombrable accumule
Du froid et du silence autour de la maison,
Et que ses flocons fous meurent dans les tisons,
Le feu paisible et fort, au coeur de l'âtre brûle.
Le feu divin source de joie et de clarté,
Fils du soleil qui dort dans les arbres antiques,
Rayonne, et sa lueur joyeuse et prophétique
Annonce la splendeur prochaine de l'été.
Et soudain, du réduit obscur dont il est l'hôte,
Sentant un lumineux bien-être l'envahir,
Un grillon se réveille et chante au souvenir,
Du chaud parfum des près quand les herbes sont hautes.
L. Mercier